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 Le salaire du sapeur (Libération 26-4-06)

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mihou
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mihou


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26042006
MessageLe salaire du sapeur (Libération 26-4-06)

Le salaire du sapeur (Libération 26-4-06)

Malamine Koné, 34 ans. Airness, la marque de sportswear de cet enfant du 9-3,
fait fureur sur les stades et dans les banlieues et dégage un confortable
bénéfice.


Le salaire du sapeur


Par David REVAULT D'ALLONNES
mercredi 26 avril 2006

Malamine Koné en 6 dates


21 décembre 1971
Naissance au Mali.
1981
Arrivée en France.
1995
Présélection en boxe aux JO d'Atlanta, accident de voiture.
1999
Création d'Airness.
6 octobre 2001
Mariage.
7 août 2005
Rennes affronte Nantes en championnat, les deux équipes sont habillées par
Airness. Pour cette année, il annonce plus de 100 millions d'euros de chiffre
d'affaires textile.



Voilà l'homme de la situation. Signalement : grand, noir, habillé sportswear,
immatriculé 93, s'adonne au business, kiffe la police. Des témoins l'auraient
aperçu dans les pages marketing des Echos, Challenges et Entreprendre. Mention
particulière : activement recherché. Sarko l'avait déjà coincé, peu après les
nuits chaudes en banlieue. Le cabinet Villepin a maintes fois tenté de
l'alpaguer, ces derniers temps, pour lui causer CPE. Mais c'est la gauche réunie
(de la LCR au PS), qui l'a finalement serré autour d'un référendum symbolique
organisé à Saint-Denis sur le droit de vote des immigrés, qu'il soutient.
Mamadou Lamine Koné, PDG d'Airness, a surgi de l'autre côté du Sahel et du
périphérique pour écouler articles de sport et produits dérivés fabriqués en
Asie à tous les ados de France. Cailleras ou bourgeois, sans distinction. A
l'heure où la discrimination devient positive et l'immigration choisie,
l'histoire est trop belle, et trop universelle, pour n'être pas opportunément
brandie. «J'encourage tous les Maliens d'Europe à tout faire pour s'intégrer.
Après avoir vécu la misère, en arrivant ici j'ai eu le droit de rêver. La
France, pour moi, a été une seconde chance.»

Malamine Koné ou le nouveau hussard noir de la République, version
français-bambara, sport-business et capitaliste de Saint-Denis ? Il dit : «Je
n'ai jamais voté de ma vie.» Davantage que sa droite ou sa gauche, l'ex-boxeur
prometteur, à coups de «media training», soigne son image, qu'il souhaiterait
exemplaire : «Ma réussite ne vaut que si elle sert de modèle. Le message qu'on
doit passer à cette jeunesse, c'est qu'il y a de l'espoir.»

Aujourd'hui, le patron d'Airness a transféré son siège social de Saint-Ouen au
rond-point des Champs-Elysées, son domicile du Neuf-Trois au Neuf-Deux, acquitte
l'ISF et siège, grosses bagouzes et diams à l'oreille, à la commission «nouvelle
génération» du Medef, aux côtés des juvéniles Pascal Nègre, président
d'Universal Music, et Laurence Danon, patronne du Printemps. Faut-il pour autant
le brosser en rejeton matérialiste et ultralibéral de l'univers
hyperconcurrentiel de la cité ? Avant de faire dans le capital, Malamine Koné a
touché à l'essentiel. Dans la brousse autour de Niena (sud du Mali), où il a
grandi, il n'y a ni eau courante ni électricité («Il n'y en a toujours pas»),
pas de centre de soins («La plupart du temps, les blessés graves meurent sur la
route de l'hôpital, à 80 km»), peu d'école («Seulement si tes parents ont les
moyens de payer le matériel»). Mais «n'importe qui peut aller manger chez le
voisin. Alors qu'ici, c'est chacun pour soi, marche ou crève». Vingt-quatre ans
avant que Nicolas Sarkozy ne durcisse les conditions du regroupement familial,
Malamine Koné, grâce à cette disposition, atterrit à Saint-Denis, cité des
Francs-Moisins. Il a 10 ans, retrouve son père, «mécanicien poids lourd», sa
mère, ses frères et soeurs, nés ici, qu'il ne connaît ni ne comprend. Comme les
copains de sa classe «spécial francophonie», fraîchement débarqués du Maghreb,
d'Afrique noire ou des Balkans. A la récré, une seule langue : le foot.

A l'époque, le jeune Koné, déjà, communique grâce au sport. Mais pas seulement.
«C'était bagarre sur bagarre, raconte son frère Daouda. Il ne cherchait pas à
savoir.» A 11 ans, il enfile les gants de boxe : coup de foudre. «La dureté des
entraînements forge le moral.» Champion de France amateur des moyens en 1994 et
1995, présélectionné pour les JO d'Atlanta, il caresse l'espoir d'y faire
carrière. Mais une voiture emporte son genou et ses projets : amputation évitée
de justesse, douze opérations en cinq ans. «J'ai vu tous mes rêves s'envoler.
Pendant un an, ma femme [il l'épousera en 2001, ndlr] m'a aidé à marcher. Je me
demandais si j'allais être capable de travailler à nouveau.» L'acharné,
pourtant, rebondit aux puces de Saint-Ouen, où il s'initie au chiffon en
écoulant des costumes Marks & Spencer.

Avec Malamine Koné, tout est affaire de promotion. Sur ses premiers
sweat-shirts, vendus dans une boutique d'Aulnay-sous-Bois : une panthère ­ son
sobriquet de boxeur ­ et une marque, Airness, qu'il traduit ­ approximativement
­ par «toujours plus haut». Un marketing de rue innovant va faire décoller
l'affaire. Ses congénères en streetwear, Com8 ou Mohamed Dia, misent sur les
rappeurs pour exposer leurs marques ? Lui se fait remarquer grâce à quelques
sportifs tendance. Et force la porte de contrats de sponsoring sévèrement
verrouillés par les cadors du secteur, Nike, Adidas et autres Puma. «Sur le
terrain, ces joueurs avaient déjà le contrat de sponsoring du club. Mais on a
été les premiers à proposer un contrat extrasportif.» Une sorte de «contrat de
ville» qui oblige le joueur à porter du Airness pour ses apparitions hors stade.
Aujourd'hui, la marque compte le footeux Sylvain Wiltord ou le boxeur Mahyar
Monshipour parmi ses «ambassadeurs». Et d'autres, nettement plus blancs et moins
glamour, comme Guy Roux. «Pour toucher tout le monde», explique Malamine Koné.
Côté clients, pas de discrimination. La panthère signe des licences tous
azimuts, lunettes et montres, cahiers et linge de maison. Et annonce «120
millions d'euros de chiffre d'affaires en 2005», dont 10 % de royalties pour le
PDG, qui dirige en personne conception et style, marketing et qualité.

«Les affaires d'abord, les sentiments ensuite», résume son frère Daouda, qui le
dépeint en «chef de gang». Mais Malamine Koné, qui rêvait d'être commissaire,
dit n'avoir jamais dérapé : «Mon père ne m'a même pas laissé l'occasion d'y
penser. Il le rabâchait continuellement : nous sommes venus ici pour travailler,
pas pour autre chose.» L'autorité, toujours. Pour Koné, marié (à une
Antillaise), deux enfants (Cheikh Omar, 4 ans, et Djibril, 3 mois), «ce n'est
pas à l'Etat d'instaurer le couvre-feu, mais d'abord aux parents. Pendant les
émeutes, j'ai entendu qu'on avait arrêté, à 2 heures du matin, un enfant de 10
ans avec un bidon d'essence à la main. Comment peut-on dormir tranquillement
alors que son fils est dehors avec un bidon ?» Côté économie, il se veut
nettement moins dirigiste, pas franchement hostile au CPE : «Quand tu es jeune,
que tu habites la cité, où le taux de chômage est 2,5 fois supérieur à la
moyenne nationale, et que tu as passé deux ans à chercher un boulot, tu es tenté
de faire autre chose. Et le CPE peut permettre de garder un pied dans le monde
du travail, sans partir dans l'autre monde.» Sur les tensions communautaires en
revanche, l'affaire Fofana ou la question Dieudonné, Malamine Koné, dont les
articles textiles sont produits par les frères Kalfon, feujs tunisiens de
Saint-Denis, ferme boutique. On ne le sent guère porté sur l'intolérance, mais
bien coincé entre ses fidèles, originaires des banlieues, et le grand public,
qu'il vise désormais : «Là dessus, je ne peux rien te dire d'autre que : "La
paix entre les peuples." Et ça te suffira pas.»

En bon Malien de l'extérieur, Malamine Koné n'oublie personne. Logement et
pèlerinage à La Mecque pour ses parents, pompes à eau et centre de santé pour sa
région, cahiers Airness pour les écoliers. Et, pour tout le monde, une belle
équipe de foot, qu'il équipe gratuitement. Koné offrait même la moitié du
salaire de l'entraîneur national, «une petite contribution pour que le Mali
puisse faire parler de lui au niveau international». Dommage : le Togo a réduit
à néant ses espoirs de Coupe du monde. Et a précipité Bamako dans une nuit
d'émeutes. Le lendemain, Malamine Koné intervenait à la télé malienne, à la
demande expresse d'«ATT», le président Amadou Toumani Touré. «Le peuple malien a
la réputation d'être fier et travailleur. Et là, certains supporters ont sali
cette réputation. On n'en a pas besoin.» Question d'image de marque.

David Revault d'Allonne
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