MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE

Vues Du Monde : ce Forum MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE est lieu d'échange, d'apprentissage et d'ouverture sur le monde.IL EXISTE MILLE MANIÈRES DE MENTIR, MAIS UNE SEULE DE DIRE LA VÉRITÉ.
 
AccueilAccueil  PortailPortail  GalerieGalerie  RechercherRechercher  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  Connexion  
Derniers sujets
Marque-page social
Marque-page social reddit      

Conservez et partagez l'adresse de MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE sur votre site de social bookmarking
QUOI DE NEUF SUR NOTRE PLANETE
LA FRANCE NON RECONNAISSANTE
Ephémerides
-29%
Le deal à ne pas rater :
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 – 16 Go / 512Go (CDAV : ...
499.99 € 699.99 €
Voir le deal

 

 À propos de l’islamophobie, par Alain Gresh

Aller en bas 
AuteurMessage
mihou
Rang: Administrateur
mihou


Nombre de messages : 8092
Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

À propos de l’islamophobie, par Alain Gresh Empty
18042006
MessageÀ propos de l’islamophobie, par Alain Gresh

Objet : Islamophobie: la véritable sémantique du terme pour mieux comprendre

Des mots importants
Islamophobie
À propos de l’islamophobie, par Alain Gresh

L’utilisation du mot " islamophobie " a suscité un débat légitime, qui mérite
approfondissement. Le terme est-il le mieux à même de rendre compte de certains
phénomènes que nous connaissons en France, et plus largement dans le monde
occidental ?

Une remarque sémantique préalable. " Phobie " vient du mot grec " phobos " qui
signifie fuite (due à la panique), d’où un effroi, une peur intense et
irraisonnée. C’est ce caractère " irraisonné " que met en avant le terme "
islamophobie ", et non une critique rationnelle.

Premier argument contre son emploi : il reviendrait à interdire toute critique
de l’islam comme religion. Pourtant, quand la presse ou des intellectuels
dénoncent la " judéophobie ", personne ne pense qu’il s’agit ainsi d’un refus de
la critique de la religion juive ; en revanche, pour certains, il définit mieux
que l’antisémitisme certaines formes nouvelles de haine des juifs. S’il est vrai
que certaines musulmans peuvent brandir l’islamophobie pour bannir toute
critique de l’islam, cela ne doit pas nous décourager : la judéophobie ou
l’antisémitisme est aussi utilisé par certains pour interdire toute critique de
la politique israélienne. Faut-il bannir l’usage de ces mots pour autant ?

Chacun a le droit, en France, de critiquer les religions. Le blasphème est même
autorisé. Durant ces derniers mois, on a vu fleurir les références à Voltaire et
il est vrai qu’il fait partie de l’héritage culturel française. Mais quand il
s’attaquait à l’Eglise catholique, il prenait des risques sérieux en s’en
prenant à une puissance temporelle et spirituelle omniprésente ; dénoncer
l’islam dans notre société ne comporte pas de danger, si ce n’est de s’acquérir
une notoriété facile. Nombre de ceux qui se réfèrent à Voltaire ne semblent en
avoir gardé qu’un souvenir assez vague. S’il a publié une pièce, assez mauvaise
- le théâtre ne fut pas son point fort -, dénonçant Mahomet, il a aussi écrit ,
en 1770 :

" Dans cette prodigieuse étendue de pays [terres gouvernées par le Koran] il n’y
a pas un seul mahométan qui ait le bonheur de lire nos livres sacrés et très peu
de littérateurs parmi nous connaissent le Koran. Nous nous en faisons presque
toujours une idée ridicule, malgré les recherches de nos véritables savants.
L’Alcoran passe encore aujourd’hui pour le livre le plus élégant et le plus
sublime qui ait encore été écrit dans cette langue. Nous avons imputé à
l’Alcoran une infinité de sottises qui n’y furent jamais . "

Entre l’appréciation de Voltaire et celle de Houellebecq (" La religion la plus
con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré, effondré
! La Bible, au moins, c’est très beau parce que les juifs ont une sacré talent
littéraire "), il y a l’abîme qui sépare la volonté de savoir de l’ignorance
érigée en argument.

D’autres publicistes s’indignent : on aurait le droit de critiquer le pape
Jean-Paul II et l’islam serait au-dessus de tout jugement ! Mais cela est-il
vrai ? Bien sûr, on peut trouver des caricatures insultantes du pape, mais
l’image globale qui se dégage du personnage est-elle vraiment négative ? On a
célébré récemment le vingt-cinquième anniversaire du pontificat de Jean-Paul II
et les éloges ont très largement dominé ; pourtant, au même moment, un
documentaire de la BBC révélait que des envoyés spéciaux du Vatican envoyé en
Afrique expliquaient aux populations que le préservatif ne protégeait pas contre
le sida ! Imaginons un instant l’inverse : un haut dignitaire musulman ayant
envoyé des missionnaires pour tenir le même discours ; peut-on imaginer un
instant que les médias français donneraient de ce personnage, indépendamment de
ce prêche, une image positive ?

Quoiqu’il en soit, je le répète, le droit de critiquer les religions est
imprescriptible. Et chaque pamphlet hostile à l’islam n’est pas forcément "
islamophobe ". Alors, pour éviter toute ambiguïté, ne vaudrait-il pas mieux
préférer au terme " islamophobie " celui de " racisme " (anti-arabe, ou
anti-maghrébin) ?

Il faut revenir un moment sur les origines du mot islamophobie. Une recherche
sur la base du Monde indique que ce quotidien a utilisé deux fois le terme entre
le 1er janvier 1987 et le 10 septembre 2001, l’une en 1994, l’autre en février
2001 .Soheib Bencheikh, souvent présenté comme le porte-parole d’un islam
libéral, l’utilise comme titre de chapitre dans Marianne et le Prophète ; il
écrit que l’islam suscite en France " un sentiment de rejet quasi unanime,
implicite dans les discours, et assez catégorique dans l’imaginaire collectif
des Français. " Si on consulte la base du Monde diplomatique avant 11 septembre
2001, le terme est utilisé deux fois : l’une dans un reportage sur Marseille
(juillet 1997), qui reprend des citations de Soheib Bencheikh et l’autre par
Tariq Ramadan (avril 1998), qui cite l’étude commandée en Grande-Bretagne par le
Runnymede Trust en 1997, dirigée par le professeur Gordon Conway, Islamophobia :
Fact Not Fiction, octobre 1997. Quant à l’affirmatio
n de Caroline Fourest et Fiammetta Venner, dans Tirs Croisés, selon lesquels le
mot aurait été inventé par les mollahs pour contrer les critiques du régime
iranien, elle ne repose sur aucune source précise ; et leur livre est tellement
approximatif dans ses références et citations, qu’on ne saurait prendre leur
affirmation pour argent comptant - d’ailleurs on trouve le terme déjà utilisé
dans un texte de 1925, leurs auteurs parlant d’un " accès de délire islamophobe
".

Quoiqu’il en soit, le terme " islampohobie ", utilisé très ponctuellement
jusqu’au 11 septembre 2001, est devenu d’usage courant, non seulement en France
mais aussi aux Etats-Unis et dans tous les pays européens. Il semble donc
répondre à une conjoncture nouvelle.

Il nous faut distinguer deux niveaux : celui du monde et celui de la France. Le
premier nous amène à nous pencher sur la politique américaine, telle qu’elle se
déploie après le 11 septembre 2001. Jusque-là, elle était marquée par une
attitude ambiguë : un politique anti-Arabe et pro-israélienne ; une alliance
avec un certain nombre de groupes islamistes et l’Arabie saoudite dans la lutte
contre l’URSS et le communisme, alors même que la révolution iranienne crée une
certaine inquiétude. Le thème de la " menace islamique " est limité à certains
cercles intellectuels, proche des thèses du gouvernement israélien.

Après le 11 septembre, cette vision devient celle de l’administration Bush :
l’Occident est confronté à un nouvel ennemi, aussi dangereux que l’étaient en
leur temps le nazisme et le communisme. Fleurissent alors des ouvrages sur la
IIIème guerre mondiale, au moment même où l’administration Bush met en oeuvre
une stratégie militaire et politique d’intervention et d’hégémonie. Sans
développer une argumentation détaillée, faisons deux remarques sur cette
comparaison :

- La " menace soviétique " fut largement gonflée dans les années 1980 par
l’administration Reagan et par quelques intellectuels ; l’émission " La guerre
en face ", avec Yves Montand, selon un scénario de Jean-Claude Guillebaud et
Laurent Joffrin, pouvait faire croire, sans rire, à une invasion de l’ouest du
continent, sur FR3 le 18 avril 1985 - non, ce n’était pas le 1er avril ; combien
d’intellectuels français ont soutenu les moudjahidin afghans, sans aucun esprit
critique (notamment sur la question de leur vision de l’islam), au nom de la
lutte contre la " menace soviétique " ?

- la " menace islamique " n’est jamais vraiment définie. Bien sûr, il existe
des groupes terroristes qu’il faut combattre, qui mènent une croisade au nom de
leur interprétation de l’islam. Mais ces groupes sont minoritaires et,
contrairement au communisme par exemple, sont bien incapables d’attirer de leur
côté une partie significative des opinions occidentales ; d’autre part, ces
mouvements ne s’appuient sur aucune puissance étatique significative, comme le
nazisme (avec l’Allemagne hitlérienne) ou le communisme (avec l’URSS et aussi la
Chine).

Cette vision d’un " danger mondial " - qui met dans le même sac la lutte en
Tchétchénie, celle en Palestine et Al-Qaida - s’accompagne, en France de
certaines particularités dues, à la fois à l’histoire coloniale et à la présence
de nombreux immigrés venant notamment d’Afrique du Nord. La vision de l’islam a
toujours été négative durant la période coloniale et les propos ouvertement
racistes sont monnaie courante. La résistance des Algériens à la pénétration
coloniale - et notamment le refus de se convertir (comme en Cochinchine ou en
Afrique noire) - sont interprétées comme une preuve de fanatisme. En Algérie, on
divise la population entre les Français de souche et les Français musulmans, ces
derniers étant des nationaux mais pas des citoyens. L’accession de l’Algérie à
l’indépendance et la fin de l’empire colonial provoque quelques changements. Les
immigrés, désignés d’abord comme Nord-Africains puis comme Arabes, vivent un
racisme quotidien et les attaques de l’extrême dro
ite. La place accordée à l’islam dans ces campagnes tend à diminuer, même si
quelques livres tentent de redorer ce thème : Le Radeau de la méduse, de
Jean-Pierre Péroncel-Hugoz (1982) et De l’islam en général et du monde moderne
en particulier de Jean-Claude Barreau (1991).

La montée du Front national et la concurrence entre la droite et lui dans les
années 1980 va durcir à nouveau certains discours, comme celui de Jacques Chirac
parlant des " odeurs ". En même temps, le racisme s’abrite de plus en plus
derrière les " différences " culturelles ou religieuses, qui mettraient en
danger l’identité de la France. Dès la fin des années 1980, notamment avec la
première affaire du foulard, émerge l’argument selon lequel l’obstacle à
l’intégration serait religieux et culturel - c’est l’islam, dans son essence
même hostile à la laïcité et à la démocratie, qui créerait un obstacle à
l’assimilation des immigrés.
Revenir en haut Aller en bas
https://vuesdumonde.forumactif.com/
Partager cet article sur : reddit

À propos de l’islamophobie, par Alain Gresh :: Commentaires

Aucun commentaire.
 

À propos de l’islamophobie, par Alain Gresh

Revenir en haut 

Page 1 sur 1

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
MONDE-HISTOIRE-CULTURE GÉNÉRALE :: SOCIETE-SOCIETY :: DEBATS ET OPINIONS/DISCUSSIONS AND VIEWS-
Sauter vers: