La Presse
Actuel, samedi 18 mars 2006, p. ACTUEL4
SÉRIE: INCREVABLE CUBA
L'après-Fidel se prépare
Big Brother vous regarde
Hachey, Isabelle
La Havane - " À Cuba, la moitié du pays espionne l'autre ", laisse tomber Miguelito (nom fictif) avec dégoût. Gare à ceux qui ne marchent pas droit. Les comités de défense de la révolution (CDR), implantés dans chaque quartier, veillent au grain.
La " surveillance populaire et révolutionnaire " consiste à rapporter aux autorités " tout ce qui paraît bizarre ", explique Luis Lima Jimenez, coordonnateur des CDR pour la province de La Havane. " Par exemple, un inconnu qui déambule la nuit dans le quartier, ou un camion qui livre de la marchandise chez quelqu'un, c'est bizarre. " Dans le Cuba de Fidel Castro, à tout le moins.
Les CDR interrogent régulièrement les gens sur les fréquentations et l'ardeur patriotique de leurs voisins. " Ils savent votre nom, votre âge, avec qui vous sortez, si vous avez deux postes de télé... Ils savent tout, dit Miguelito. Si les voisins parlent en mal de vous, vous êtes cuit: vous aurez des problèmes parce que le CDR aura rapporté un avis défavorable au gouvernement. "
Que ce soit pour être embauché dans le secteur du tourisme, pour obtenir un visa de sortie ou simplement pour se procurer une ligne téléphonique, les Cubains doivent présenter un dossier sans tache. Autrement, c'est peine perdue.
" Ceux qui dénoncent n'obtiennent rien du tout, assure M. Jimenez. C'est du patriotisme. " En fait, les délateurs s'arrangent autrement pour obtenir des faveurs. " La dame qui surveille mon quartier est minable, peste Miguelito. Elle m'emprunte de l'huile, des tomates, elle utilise constamment mon téléphone. Je n'ai pas le choix. Si je refuse, elle fera un mauvais rapport au CDR et j'aurai des tas de problèmes. "
Les CDR ont été créés à l'époque de la baie des Cochons pour protéger l'île des attaques contre-révolutionnaires. Avec le temps, ils se sont mutés en comités de quartier qui organisent des fêtes, mènent des campagnes de vaccination et supervisent les évacuations en cas d'ouragan. Avec leur système de surveillance, les CDR forment aussi la clé de voûte de l'édifice totalitaire érigé par le régime castriste.
" Il y a des Cubains qui ne devraient pas être appelés Cubains, qui font des gestes contre-révolutionnaires, dit M. Jimenez. L'objectif général, c'est que le peuple soit tranquille. " Pour l'instant, peut-être. Mais si le régime finit par tomber, il faudra peut-être s'attendre à de violents règlements de comptes.
Illustration(s) :
À Cuba, gare à ceux qui ne marchent pas droit. La " surveillance populaire et révolutionnaire " consiste à rapporter aux autorités " tout ce qui paraît bizarre ".
Catégorie : Société et tendances
Sujet(s) uniforme(s) : Santé publique et condition physique; Accès à l'information et renseignements personnels
Taille : Moyen, 316 mots
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Doc. : news·20060318·LA·0061