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 Et si l’Occident refusait de voir l’Afrique progresser? #2

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Tite Prout
Maître de Cérémonie du forum
Tite Prout


Nombre de messages : 1737
Localisation : Montréal
Date d'inscription : 01/06/2005

Et si l’Occident refusait de voir l’Afrique progresser? #2 Empty
04042006
MessageEt si l’Occident refusait de voir l’Afrique progresser? #2

On aurait également tort de regretter la fin de la colonisation car, nous apprend l’historien ivoirien Simon-Pierre Ekanza, “ l’objectif fondamental du colonisateur a été, non pas la mise en valeur des colonies, mais au contraire leur exploitation, au profit du développement de la Métropole61 ”. Un point de vue corroboré par le journaliste tunisien Béchir Ben Yahmed lorsqu’il raconte : “ Ce n’était pas l’apartheid afrikaner qui sévissait en Afrique du Sud, mais, fondé sur la force, l’inégalité et le mépris, le système colonial français y ressemblait beaucoup – et les résultats étaient, en tout cas, comparables. Ceux qui, comme moi, ont vécu la fin de cette triste période et lutté pour que le colonialisme retourne d’où il était venu sont en mesure de témoigner que, si la colonisation a pu avoir des aspects positifs, c’était soit “ à l’insu de son plein gré ”, soit par inadvertance, soit grâce à quelques individus exceptionnels en lutte, souvent intérieure, contre ce système colonial dont ils faisaient partie62 ”.
Ce qu’il convient de retenir ici, c’est que l’Afrique ne pourra jamais progresser tant que les dirigeants occidentaux voudront avoir leur mot à dire sur les personnes qui doivent nous gouverner. C’est pourquoi il est souhaitable que les anciennes puissances coloniales changent de politique et de comportement vis-à-vis des pays africains63. Ces anciennes puissances devraient comprendre que la vraie grandeur et la vraie puissance, ce n’est pas d’avoir en face de soi des présidents dociles et médiocres mais des gens capables de réfléchir et de décider par eux-mêmes. Si l’Occident veut se faire respecter en Afrique, ce n’est donc pas en traitant avec des pantins mais en consentant à travailler avec des hommes et des femmes libres et sans complexe, en aidant l’Afrique à transformer elle-même ses matières premières, en la laissant décider par et pour elle-même. Tous ceux qui sont opposés à l’impérialisme doivent amener les dirigeants et l’opinion publique occidentaux à comprendre que l’impérialisme est l’ennemi principal de l’émancipation de l’Afrique et que l’Afrique se portera mieux le jour où elle sera déliée des chaînes de l’impérialisme. Un des textes que j’aime beaucoup dans les évangiles est la résurrection de Lazare. Après avoir commandé à ce dernier de sortir du tombeau, Jésus dit à la foule : “ Déliez-le et laissez-le aller ” (Jn 11, 14). Lazare avait en effet les pieds et les mains liés de bandelettes et son visage était enveloppé d’un suaire. L’Afrique d’aujourd’hui peut être comparée à Lazare dont les mains et les pieds étaient liés. Nous pensions que l’Europe nous avait déliés au début des années soixante. En réalité, nous avons eu droit à des indépendances piégées, à des indépendances factices. Notre tâche aujourd’hui est de nous battre pour la vraie indépendance. L’Europe jalouse de sa liberté doit délier l’Afrique en arrêtant de s’ingérer dans ses affaires internes, en arrêtant de faire et de défaire les présidents en Afrique. J’ai applaudi quand, en mars 2003, Jacques Chirac refusa de suivre George W. Bush en Irak pour bombarder Saddam Hussein. Le président français montrait ainsi que son pays peut dire non à la première “ puissance ” mondiale s’il le juge nécessaire. Mais pourquoi cette France qui a eu raison de résister à Bush veut-elle décider à la place des Africains ? Questions fondamentales. Seuls les politiques français sont à même d’y répondre. Pour ma part, je pense que l’Europe a intérêt à devenir moins arrogante et moins impérialiste pour substituer le partenariat tutorat. Et plus tôt elle le fera, moins tendues seront les relations avec ses ex-colonies en Afrique et plus notre monde aura de chances de vivre en paix. Dans cette perspective, on ne peut que donner raison à Aminata Traoré lorsqu’elle écrit : “ Dépossédés des richesses de nos sols et sous-sols, de nos savoirs et savoir-faire, nous ne serons plus dans un proche avenir que des peuples qui se saisiront des armes justes pour survivre64 ”.
Comme l’impérialisme, la dette est un autre joug à briser. En annulant une partie de cette dette, le G8 a commencé à délier l’Afrique. Ce fut un soulagement pour nombre de pays qui, ces dernières années, avaient pris l’habitude de consacrer peu de ressources à la construction des routes, des hôpitaux et des écoles. Un pays comme la Zambie était obligé de consacrer quatre fois plus d’argent à régler sa dette qu’à l’éducation et à la santé65. Le geste posé en 2005 par les pays membres du G8 mérite évidemment d’être salué mais il reste insuffisant car d’autres jougs attendent d’être brisés. Par exemple, les subventions agricoles. A ce propos, Christian Losson révèle qu’une vache européenne reçoit chaque année une aide 120 fois supérieure à celle qui est accordée à un Africain. Il y a également les subventions à l’exportation qui déstabilisent les agricultures du Sud et condamnent des millions de personnes à la pauvreté et à la misère. Il est réjouissant que des organismes non-africains comme le Comité catholique contre la faim et pour le développement (Ccfd) attirent régulièrement l’attention sur ces questions cruciales. Je pense, par exemple, à sa campagne de 2004 sur le thème “ l’Europe plume l’Afrique66 ”. Pourquoi les poulets sénégalais ou camerounais, malgré leur réputation, sont-ils désormais délaissés par leurs consommateurs habituels67 ? Pour le Ccfd, “ la production de volaille en Afrique, qu’elle soit familiale ou semi-industrielle, se trouve concurrencée par des importations massives de découpes de volailles congelées en provenance d’Europe, mais aussi du Brésil ou de Thaïlande ”. Ces importations dont le volume a été multiplié par dix en cinq ans au Sénégal ont, selon lui, pour conséquence directe “ l’arrêt de la production de milliers de petites unités avicoles, la destruction d’emplois et l’appauvrissement des petits éleveurs africains68 ”. Emerge alors la question : “ Quel est ce monde qui, unanimement, dit vouloir lutter contre la pauvreté et, dans le même temps, organise la pauvreté et la sous-alimentation pour ses paysans et ses éleveurs les plus petits et les plus fragiles69 ” ? C’est l’historien burkinabè Joseph Ki Zerbo qui déclare que “ si nous les Africains, nous nous couchons, nous sommes morts70 ”. L’heure de se mettre debout a sonné pour les Africains. Ces derniers doivent se mettre non seulement debout mais ensemble pour lutter contre l’impérialisme, pour réclamer l’annulation totale de la dette. Ils ne doivent plus se taire car si ce monde est dangereux, ce n’est pas “ à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui savent et qui se taisent ” (Albert Einstein). Nous ne pouvons pas rester muets devant le spectacle de pays et de peuples ayant les pieds et les mains attachés, n’ayant pas la liberté de mener leur propre politique, et, incapables d’agir comme ils souhaiteraient. Nous ne pouvons pas nous résigner à l’impérialisme et à l’injustice des Occidentaux.
“ Comme l’esclavage ou l’apartheid, la pauvreté n’est pas naturelle ; elle est faite par l’homme et peut être éradiquée par les actions des êtres humains ”, affirme Nelson Mandela, le héros de la lutte anti-apartheid. L’impérialisme, non plus, n’est pas une fatalité. Les Africains peuvent et doivent y mettre fin s’ils veulent remettre l’Afrique sur les rails.

Conclusion
Sans nier la part de responsabilité de nos dirigeants dans la tragédie de l’Afrique, nous pensons, pour clore cette réflexion, que l’obstacle majeur et premier à notre développement global et intégral est l’impérialisme occidental. Car nous avons aujourd’hui la certitude que le tout n’est pas d’avoir des présidents intègres, compétents et désireux de travailler au bien-être de leurs peuples. Encore faut-il que ces présidents aient les coudées franches, c’est-à-dire qu’ils puissent avoir la liberté de faire ce qui est bon pour ceux qui les ont élus. Or c’est cette liberté que les dirigeants occidentaux ne sont pas près de reconnaître aux Africains. On a plutôt l’impression qu’ils préfèrent travailler avec les présidents dont la politique ne va pas contre leurs intérêts. C’est pour cette raison que nous proposerions ceci : tout en condamnant les dérives de nos dirigeants, nous devons aujourd’hui, en liaison avec les Occidentaux qui souhaitent que l’Afrique écrive elle-même son histoire, dénoncer à temps et à contretemps l’impérialisme occidental, réclamer partout et toujours que l’Occident accepte de nous accompagner dans nos propres choix et décisions. Car vouloir que le législatif et le judiciaire ne soient plus dépendants de l’exécutif dans nos pays, désirer que nos Constitutions soient adaptées à nos réalités, souhaiter que les richesses nationales ne profitent pas uniquement à l’ethnie et au parti du chef de l’Etat, demander que l’Etat assume ses fonctions régaliennes (fourniture des services publics) et qu’il ne démissionne pas de son rôle régulateur, tout cela est bien mais le problème du développement reste entier si notre analyse n’intègre pas le fait que l’Occident mène vis-à-vis de l’Afrique “ une politique infantilisante, appauvrissante et humiliante ” (Aminata Traoré). L’Afrique est humiliée lorsque, réagissant à la mort d’Eyadema, J. Chirac affirme que son pays a perdu un grand “ ami ”. Elle est d’autant plus humiliée que l’ami en question a régné pendant 38 ans par la terreur. Les Africains sont humiliés quand le tapis rouge est déroulé en France à des putschistes et à des assassins alors que Yvan Colonna est ses acolytes (les prétendus assassins du préfet Claude Erignac) sont derrière les barreaux ou lorsque la France soi-disant démocratique laisse certains présidents africains modifier la Constitution de leur pays pour s’éterniser au pouvoir. En soutenant des présidents impopulaires, incompétents et corrompus, l’Occident veut ainsi nous maintenir dans la misère. C’est dire que le développement de l’Afrique restera une chimère aussi longtemps que les décideurs occidentaux ne changeront pas non seulement de politique mais de comportement vis-à-vis des Africains.

Ecole Pratique des Hautes Etudes-Sorbonne (Paris)
Dernière publication : Rome et les Eglises d’Afrique. Propositions pour aujourd’hui et demain, Paris, L’Harmattan, 2005.

45 Centesimus annus, n.20.
46 Cité par Jean Ziegler, Main basse sur l’Afrique, Paris, Seuil, 1980.
47 F. Eboussi-Boulaga, Les conférences nationales en Afrique noire. Une affaire à suivre, Paris, Karthala, 1993, pp. 95-96.
48 J. Stiglitz, (Fmi, la preuve par l’Ethiopie ”, Manière de voir, n.79, février-mars 2005, pp.37-38.
49 Zimbabwe African National Union-Patriotic Front.
50 Francis Kpatindé, “ La doctrine Mugabe ”, J.A./L’Intelligent, n.2287 du 7 au 13 novembre 2004, p. 85.
51 Voir notre essai Fallait-il prendre les armes en Côte d’Ivoire ?, Paris, L’Harmattan, 2003.
52 Cf. Jean-Baptiste Akrou, “ Démocratie familiale et tribale ”, Fraternité Matin du 21 avril 2005.
53 B. Jaffré, Thomas Sankara, Paris, L’Harmattan, 1997.
54 A.-C. Robert, op.cit., p.133
55 D. Tchapda, “ De l’engagement politique ou philosopher en Afrique en changeant de mode ”, in www.arts.uwa.edu.au/MotsPluriels/
56 A. Traoré, op. cit., p. 118.
57 Eyadema faisait partie du club des présidents de l’Afrique francophone protégés par la France. Il est décédé le 5 février 2005 après 38 ans de règne sans partage. Alors que l’Union africaine, la Communauté économique des Etats d’Afrique Occidentale (Cedeao) et l’administration Bush exigeaient le départ de son fils du pouvoir, la France n’avait pas de position claire. Après avoir manipulé certains présidents ouest-africains, elle obtint finalement le remplacement, de façon “ démocratique ”, du père par le fils. Quelle honte !
58 Tzvetan Todorov, op. cit., pp. 31-32
59 Aminata Traoré, op. cit., p. 117
60 Cf. Fraternité matin (journal ivoirien) du 21 février 2006.
61 S.-P. Ekanza, L’Afrique au temps des Blancs (1880-1935), Abidjan, Les Editions du Cerap, 2005, p. 171.
62 Cf. Jeune Afrique, n. 2357, du 12 au 18 mars 2006, p. 4.
63 Voir notre ouvrage Changer de politique vis-à-vis du Sud. Une critique de l’impérialisme occidental, Paris, L’Harmattan, 2004.
64 A. Traoré, op. cit., p. 89.
65 Cf. Libération du 13 juin 2005, p. 30.
66 Cf. Jean-Marie Fardeau, “ L’Europe plume l’Afrique ”, Faim-développement Magazine, n. 197, octobre 2004, p. 3.
67 Jean-Marie Fardeau et Jean-Louis Viejalus, “ Arrêtons de plumer le Sud ”, Alternatives internationales, n. 17 bis, octobre 2004, p. 3.
68 J.-M. Fardeau et J.-L. Vielajus, art. cit.
69 Idem.
70 Cf. A quand l’Afrique ? Entretien avec René Holenstein, Paris, Editions de l’Aube, “ Collection Aube de Poche ”, 2004.


Par Jean-Claude DJEREKE
Le 03-04-2006

http://www.lemessager.net/details_articles.php?code=33&code_art=11220&numero=1
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