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 A propos de la Colombie par Noam Chomsky 1

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mihou
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mihou


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Localisation : Washington D.C.
Date d'inscription : 28/05/2005

A propos de la Colombie par Noam Chomsky 1 Empty
30032006
MessageA propos de la Colombie par Noam Chomsky 1

Comme c’est bien connu, la « guerre à la drogue » est la toute dernière justification pour soutenir les for ces de sécurité colombiennes et (indirectement) leurs associés paramilitaires. Avec la même justification, les forces entraînées par les Etats-Unis, ainsi que les mercenaires appartenant à des entreprises états-uniennes qui emploient des anciens officiers de l’armée, pratiquent des « fumigations », c’est-à-dire des opérations de guerre chimique pour détruire les semences et les réserves, ce qui provoque l’abandon par les paysans de leurs terres dévastées. Cependant le prix de la drogue au détail aux Etats-Unis ne monte pas, ce qui veut dire que l’impact sur la production est faible, et la population carcérale aux Etats-Unis atteint des records jamais vus dans le monde, bien au-delà des autres sociétés industrielles, dans une bonne mesure comme conséquence de la « guerre à la drogue ». On sait depuis longtemps que la façon la plus efficace de régler le problème de la drogue -qui se trouve aux Etats-Unis et non en Colombie- c’est l’information et les traitements médicaux ; la façon la moins efficace c’est des opérations hors de contrôle, comme la guerre chimique pour détruire les produits de la terre ou d’autres opérations de type contre-insurrectionnelles (CI). Les budgets sont orientés vers les politiques les moins efficaces, et ces choix sont maintenus malgré l’échec dans les objectifs proclamés.

Les faits, difficiles à ignorer, font surgir quelques questions évidentes. L’une des autorités du monde universitaire à propos de la Colombie, Charles Bergquist, remarque qu’« on pourrait objecter que la politique anti-drogue des Etats-Unis contribue de fait au contrôle d’une sous-classe, ethniquement différente, à l’intérieur et sert à l’extérieur les intérêts des Etats-Unis en matière économique et en matière de sécurité ». Bien des criminologues et bien des analystes des affaires internationales regarderaient probablement cela comme une sous-estimation considérable. Les croyances officielles deviennent encore plus difficiles à soutenir lorsque nous regardons la corrélation entre le recours à la violence et à la subversion de la part des Etats-Unis et l’accroissement de la production de drogue depuis la Deuxième guerre mondiale, tout cela étant documenté avec luxe de détails par Alfred McCoy, par Peter Dale Scott, et par d’autr es, et se reproduisant aujourd’hui encore en Afghanistan. Comme le signale Scott, analysant différents cas de subversions et d’interventions militaires états-uniennes, dans chacun de ces cas « il y une augmentation brutale du narcotrafic international et un accroissement de la consommation de la drogue aux Etats-Unis ». Dans le même temps, les vies des paysans colombiens, des Indiens, et des Afro-colombiens sont détruites au nom de l’affirmation solennelle qu’il est impératif d’effectuer ces crimes pour lutter contre la production et la consommation de drogue.

Notons cependant que l’encouragement à la production de drogue peut difficilement être considéré comme une invention des Etats-Unis : l’empire britannique était soutenu par la plus grande entreprise de narcotrafic de l’histoire mondiale, avec des effets abominables en Chine et en Inde, la plus grande partie de cet empire ayant été conquise pour monopoliser la production de l’opium.
Les prétextes officiels doivent faire face à des contre-preuves massives et ils ne sont soutenus par aucune preuve favorable (en dehors des déclarations des dirigeants, parlant invariablement de projets bien-intentionnés, qui sont par conséquent non informatives, quelle qu’en soit la source). Supposons cependant que nous acceptions la doctrine officielle et que nous prenions au sérieux les déclarations selon lesquelles le but des opérations contre-insurrectionnelles (CI) dirigées par les Etats-Unis, y compris la guerre chimique qui ruine la société paysanne, c’est bien d’éradiquer la drogue. Laissons de côté, pour le profit de l’argumentation, le fait que la subversion et l’agression des Etats-Unis continue de provoquer une augmentation de la production et de la consommation de la drogue. Y compris sur ces bases généreuses, les opérations des Etats-Unis en Colombie sont vraiment scandaleuses. Cela semble clair. Pour être encore plus clair, considérons le fait, non contesté, que les morts provoquées par le tabagisme dépassent de loin les morts provoquées par toutes les drogues dures combinées. De plus, les drogues dures sont nocives pour les consommateurs, alors que le tabac est nocif pour les autres - pas autant certes que l’alcool, qui tue beaucoup les autres (les accidents d’automobiles, la violence produite par l’alcool, etc.), mais de façon significative. Le nombre de personnes mortes en situation de « fumeurs passifs » excède probablement celui des morts de toutes les drogues dures réunies ; et les « drogues douces », comme la marijuana, qui sont sévèrement criminalisées alors qu’elles sont sans aucun doute bénignes (comme le café, la viande rouge, etc.), n’ont aucun effet mortel significatif connu.

Par ailleurs, alors que les cartels colombiens n’ont pas le droit de placer des panonceaux à Times Square, à New York, de faire de la publicité à la télévision ou d’encourager les enfants, ou d’autres secteurs vulnérables de la population, à consommer de la cocaïne et de l’héroïne, il n’y a guère d’empêchement à la publicité en faveur des produits à bases de tabac beaucoup plus mortels ; et en fait certains pays ont été menacés de sanctions commerciales graves s’ils violaient les principes sacr és du « libre marché » en tentant de réguler de telles pratiques. Une conclusion élémentaire surgit soudain : si les Etats-Unis sont autorisés à mener une guerre chimique visant des paysans pauvres en Colombie, alors la Colombie, et la Chine, et bien d’autres, sont autorisés à mener des opérations de guerre chimique contre les productions de l’agrobusiness en Caroline du nord et dans le Kentucky. Les commentaires devraient être inutiles.

La Colombie a une histoire violente, dans une large mesure enracinée dans le fait que ses grandes richesses naturelles et ses grandes ressources sont monopolisées par quelques secteurs privilégiés, souvent très brutaux, tandis que la majorité de la population vit dans la misère et endure une terrible répression. La tragique histoire de la Colombie avait pris cependant un nouveau tour au début des années 1960 lorsque l’intervention des Etats-Unis était devenue nettement plus importante - non qu’elle ait été faible auparavant, par exemple, lorsque Theodore Roosevelt avait volé une partie de la Colombie pour construire un canal de grande importance stratégique et économique pour les Etats-Unis. En 1962 John F. Kennedy a de fait modifié la mission des militaires latino-américains, laquelle est passée de « la défense hémisphérique », un résidu de la Deuxième guerre mondiale, à la « sécurité interne », un euphémisme pour parler de la guerre contre la population locale.
Les effets s’en sont fait ressentir partout en Amérique latine. Une des conséquences pour la Colombie, comme Stokes le décrit, c’était les recommandations officielles des Etats-Unis de s’appuyer sur la terreur paramilitaire contre « les tenants du communisme ». Les effets en Colombie ont été décrits par le président du Comité Permanent pour les Droits Humains, le diplomate Alfredo Vázquez Carrizosa. Au-delà des crimes qui sont institutionnalisés dans la « structure duale de la minorité prospère et de la majorité appauvrie et exclue, avec de grandes différences en richesses, en revenus, en accès à la participation politique », écrit-il, les initiatives de Kennedy ont mené à une « exacerbation de la violence par des facteurs externes », quand Washington « a fait de grands efforts pour transformer nos armées régulières en brigades contre-insurrectionnelles, acceptant la nouvelle stratégie des escadrons de la mort », choix qui « ont mené à ce qui est connu en Amérique latine comme la Doctrine de Sécurité nationale ». Il ne s’agissait pas de la « défense contre un ennemi externe, mais d’une façon de transformer l’establishment militaire en maître du jeu... [avec] le droit de combattre l’ennemi interne, comme précisé dans la doctrine brésilienne, la doctrine argentine, la doctrine uruguayenne, et la doctrine colombienne : c’est le droit de combattre et d’exterminer les travailleurs sociaux, les syndicalistes, des femmes et des hommes qui ne soutiennent pas l’establishment, et qui sont considérés comme des extrémistes communistes » - terme d’applicabilité très large dans le jargon de la doctrine contre-insurrectionnelle (CI), incluant les militants des droits humains, les prêtres organisant les paysans, les leaders ouvriers, et d’autr es cherchant à se pencher sur la question de la « structure duale » par des moyens non violents et démocratiques, bref, la grande masse des victimes de la structure duale, s’ils osent lever la tête.

Cette politique n’était certainement pas nouvelle. L’horrible exemple du Guatemala était bien antérieur. Et cette politique n’était pas limitée à l’Amérique latine. Par bien des points les opérations CI de l’immédiat après-guerre en Grèce (avec quelque 150 000 morts) et en Corée du sud (avec 100 000 morts) avaient inauguré le modèle longtemps avant. En dehors des atrocités commises au Guatemala, le gouvernement Eisenhower avait renversé le régime parlementaire de l’Iran et avait restauré le règne violent du Shah à seule fin d’empêcher l’Iran de prendre le contrôle de ses propres ressources ; et en 1958 il a mené les opérations clandestines les plus extrêmes de l’après-guerre afin d’affaiblir le régime parlementaire de l’Indonésie, lequel devenait dangereusement démocratique, et afin de diviser les îles éloignées, où se trouvaient la plupart des richesses - pour ne mentionner que quelques exemples. Mais un changement qualitatif s’est produit au début des années 1960.

En Amérique latine le gouvernement Kennedy a organisé un coup militaire au Brésil, lequel survient peu après l’assassinat de Kennedy, installant le premier régime de Sécurité nationale, avec des tortures à grande échelle, et détruisant, avec une répression féroce, les organisations populaires et tout vestige de démocratie. Ce coup, bien accueilli à Washington, fut considéré comme une « rébellion démocratique », « une grande victoire pour le monde libre », qui avait empêché une « perte totale des républiques de l’Amérique du sud pour l’Occident » et qui devrait « créer un climat nettement meilleur pour les investissements privés ». La révolution démocratique menée par les généraux néo-nazis était « la victoire la plus décisive de la liberté au milieu du XXème siècle », soutenait l’ambassadeur de Kennedy Lincoln Gordon, « [victoire] représentant un des moments charnières de l’histoire mondiale » de cette époque. Peu après, le problème de l’Indonésie a été réglé lorsque le général Suharto a pris le pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat militaire, avec un « effrayant massacre de masse », comme le New York Times décrivait l’événement, « un rayon de lumière en Asie », selon les mots de leur commentateur libéral James Reston. Comme on le savait alors, il y a eu beaucoup de morts, peut-être un demi million, voire davantage, la plupart des paysans sans terre. La menace de l’excès de démocratie qui avait troublé le gouvernement Eisenhower était écartée avec la destruction du plus grand parti politique e nraciné dans les masses, lequel « avait gagné un fort soutien, non pas comme parti révolutionnaire [malgré son nom : PKI Parti communiste indonésien, note de l’auteur], mais en tant qu’organisation défendant les intérêts des humbles dans le cadre du système existant », observe le spécialiste australien de l’Indonésie Harold Crouch, et qui avait développé « une base de masse dans le paysannat » en raison de sa « vigueur dans la défense des intérêts des... pauvres ». L’euphorie de l’Occident était irrépressible et elle s’est poursuivie pendant que Suharto accomplissait l’un des plus terribles attentats contre les droits humains du XXème siècle, envahissant en plus le Timor oriental, y réalisant un massacre quasi-génocide avec le ferme soutien des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne parmi d’autres, jusqu’à la fin sanglante de l’année 1999. Le rayon de lumière en Indonésie avait aussi éliminé un pilier du Mouvement des non-alignés tant abhorré. Un deuxième pilier a été éliminé lorsque Israël a détruit l’armée de Nasser en 1967, consolidant au passage l’alliance entre les Etats-Unis et Israël qui se poursuit jusqu’à nos jours.

En Amérique latine le coup brésilien a provoqué un effet domino, la doctrine de Sécurité nationale s’est répandue partout sur le continent avec différent s degrés d’implication des Etats-Unis, mais avec un soutien constant et décisif, avec de terribles conséquences. Un exemple, c’est le « premier 11 septembre », au Chili, le 11 septembre 1973, lorsque les forces du général Pinochet ont bombardé le palais présidentiel, et ont démoli la plus ancienne et la plus vivante des démocraties d’Amérique latine, pour installer un régime de torture et de répression, basé sur la police secrète DINA, laquelle a été comparée au KGB et à la Gestapo par l’intelligence militaire états-unienne - cependant que Washington soutenait fermement le régime. Le chiffre officiel des morts pour le premier 11 septembre était de 3200 morts, ce qui équivaudrait à environ 50 000 aux Etats-Unis ; le chiffre réel était certainement beaucoup plus élevé. La DINA de Pinochet a vite rejoint les autres dictatures de l’Amérique latine dans leur plan international de terrorisme d’Etat appelé « Opération Condor ». Les acteurs de l’Opération Condor tuaient et torturaient impitoyablement dans tous ces pays et ils ont fini par étendre leurs activités terroristes jusqu’à l’Europe et aux Etats-Unis. Le mauvais génie Pinochet était fortement honoré, particulièrement par Reagan et par Thatcher, mais c’était assez général. Assassiner un diplomate respecté à Washington c’était aller trop loin, cependant ; du coup l’Opération Condor avait du plomb dans l’aile. Les pires atrocités en Argentine étaient encore à venir, ainsi que l’expansion du terrorisme d’Etat à l’Amérique centrale dans les années 1980, faisant des centaines de milliers de morts, provoquant la ruine de quatre pays, et occasionnant une condamnation des Etats-Unis par le Tribunal International en raison d’un « usage déloyal de la force » ( dit plus simplement : terrorisme international), condamnation soutenue par deux résolutions de Conseil de Sécurité (contrées par le veto). A la suite de ces deux résolutions, Washington a élevé la terreur à des sommets jamais atteints auparavant. Ce qui s’est produit en Colombiefaisaitdonc partie d’un contexte beaucoup plus ample.
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