réseau Voltaire 28 février 2006
France : la lutte contre l'antisémitisme entachée d'insinuations
racistes
En France, un fait divers qui a horrifié l'opinion publique donne
lieu à diverses interprétations et manipulations politiques. Le
jeune Ilan Halimi a été enlevé par une bande organisée, séquestré
durant trois semaines, torturé, abandonné nu et ligoté prés d'une
voie férée et est décédé lors de son hospitalisation. Le chef
présumé de la bande, un musulman noir, s'est enfui en Côte d'ivoire
où il a été interpellé.
Le juge d'instruction, au regard de propos antisémites tenus par des
ravisseurs alors qu'ils tentaient d'extorquer une rançon, a qualifié
le crime lui-même d'antisémite. Intervenant à l'Assemblée nationale,
le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy a présenté comme preuve
de l'antisémitisme des assassins le fait que l'on ait trouvé chez
l'un d'entre eux des publications relatives aux œuvres sociales du
Hamas. Un porte-parole du Parti socialiste, Julien Dray, a déclaré
que cette affaire illustrait la généralisation de l'antisémitisme en
France depuis qu'un candidat noir à l'élection présidentielle,
Dieudonné Mbala Mbala, avait fait d'Israël un sujet de plaisanterie.
Toutes les organisations politiques, de droite et de gauche, ont
envoyé leurs ténors participer à la manifestation en mémoire de la
victime. Elles s'attendaient probablement à une participation
massive comme lors de l'émotion provoquée, il y a une quinzaine
d'années, par le viol de sépultures juives à Carpentras, ce ne fut
pas le cas. À l'époque, la dénonciation de l'antisémitisme
équivalait à une mise en accusation du Front national, une formation
montante d'extrême droite. Mais aujourd'hui, la même dénonciation de
l'antisémitisme suggère une mise en accusation des musulmans et des
noirs. L'extrême droite assumée ne s'y est pas trompée et a rejoint
cette manifestation.
Au-delà de cette instrumentalisation, l'affaire est bien plus
compliquée qu'il n'y paraît à première vue. Il s'avère que la bande
avait au cours des dernières années tenté d'extorquer des fonds à
des personnalités, dont certaines sont juives. La bande était
recrutée selon un réseau de voisinage dans une même cité, à
l'exception des cadres qui n'ont pas été encore identifiés. Sur
l'impulsion de ces cadres inconnus, les voyous signaient alors leurs
courriers « Armata Corsa », usurpant ainsi le nom d'un groupe de
tueurs chargés de la protection de dirigeants nationalistes corses.
Ils prenaient ainsi le risque bien inutile d'attirer plus
d'attention sur eux, d'autant qu'Armata Corsa est issu d'une
mouvance nationaliste notoirement liée à un ancien ministre de
l'Intérieur.
La mémoire d'Ilan Halimi n'a pas fini d'être un jouet politique.