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 LUTTES ANTI-ESCLAVAGISTES EN MAURITANIE 9

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mihou
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mihou


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LUTTES ANTI-ESCLAVAGISTES EN MAURITANIE 9 Empty
15022006
MessageLUTTES ANTI-ESCLAVAGISTES EN MAURITANIE 9

Après le coup d'État de 1978, le nouveau chef de l'État fait une déclaration le 13 juillet 1978 (voir journal Châab du même jour) qui laisse penser que le nouveau régime va très sérieusement s'attaquer au problème de l'esclavage. Or ce chef d'État est profondément esclavagiste, comme ont dû s'en rendre compte les membres d'El Hor eux-mêmes. Après l'arrestation de certains de ses militants, au mois de mars 1980, le mouvement est jugé dans un procès célèbre à Rosso. L'action d'El Hor est telle que le nouveau régime croit bon de promulguer l'Ordonnance du 9 novembre 1981 supprimant (théoriquement) l'esclavage et indemnisant plutôt les maîtres. L'effectivité de cette disposition est fortement limitée par sa forme étriquée, son champ d'application large qui manque de règlements d'application.
Lorsque le Colonel Sid'ahmed Ould Taya prend le pouvoir, sa préoccupation essentielle est de casser le mouvement en nommant à des postes importants certains de ses leaders. Il ne tolère aucun rapprochement entre Haratines et Négro-mauritaniens, qu'il réprime. Ils revient sur les acquis de ces derniers sur le plan socio-culturel. Mais El Hor a désormais ouvert la voie à un processus de libération et d'émancipation que rien n'arrêtera. D'autant plus qu'il va dans le sens de l'histoire. Des associations et un parti, à la suite de El Hor, voient le jour. Ils sont foncièrement et clairement anti-esclavagistes, créés par ses ressortissants et qui entendent lutter efficacement contre le phénomène de l'esclavage en Mauritanie.
3. Les ONG anti-esclavagistes
En Mauritanie existent désormais, générées par l'action d'El Hor ou sous son influence, des associations de défense des droits humains dont certaines mettent particulièrement l'accent sur la lutte pour l'éradication définitive de l'esclavage en Mauritanie. Parmi elles, SOS-Esclaves-Mauritanie, créée en 1994, et dont le président est Boubacar Ould Messaoud, lui-même issu de El Hor. Tout récemment, en 2001, est créée l'Association des Haratines de Mauritanie en Europe (AHME), dont le président est Mohamed Yahya Ould Ciré, membre fondateur d'El Hor et de l'Institut Haratine créé en Amérique du Nord par son président Mokhtar Taïeb. SOS-Esclaves publie annuellement un rapport détaillé sur la situation de l'esclavage en Mauritanie. Elle a des sections notamment en Europe. AHME publie un bulletin mensuel appelé : Le Cri du Hartani, à Paris, depuis le 1er octobre 2001. D'autres associations de défense des droits de l'homme programment la lutte contre les pratiques esclavagistes en Mauritanie.
4. Un parti politique
Aujourd'hui dissout, Action pour le Changement dont le président était Messaoud Ould Boulkheir, avait pris en charge la libération des esclaves. C'était le seul parti politique à avoir élaboré un programme clair et cohérent en matière d'éradication de l'esclavage.


CONCLUSION
L'esclavage existe sous toutes ses formes en Mauritanie. Il est en même temps domestique (mobilier) et marchand dans la société maure, où il se manifeste sous forme de "survivance". Il subsiste dans les sociétés négro-mauritaniennes dans le système des castes, sous forme de "séquelle". Il est si ancien et si profondément ancré dans la mentalité des Mauritaniens, qu'une culture esclavagiste s'y est développée à telle enseigne que, libérés de leurs chaînes, d'anciens esclaves sont tentés de reproduire le mécanisme en leur faveur. Même si ces cas sont extrêmement rares.
A l'esclavage domestique, fort ancien dans cet espace géopolitique entre la Méditerranée, le monde arabo-islamique et ouest-africain noir, sont venues se superposer des formes esclavagistes mercantilistes dont le rythme, la durée, et les modalités ont toujours dépendu de l'intensité ou de l'étiolement des demandes saharienne et atlantique. Ces traites transsaharienne et atlantique ont servi également à alimenter localement l'esclavage domestique, au cours de l'histoire.
Une histoire qui reste à écrire, et qui s'inscrit dans une durée si longue que l'éradication de l'esclavage en Mauritanie pourrait passer par une confrontation brutale entre les Haratines et leurs maîtres maures blancs, si aucune politique de libération et d'émancipation réelle n'est entreprise par les gouvernants. Politique de libération et d'émancipation qui ne doit pas léser d'autres composantes nationales, elles-mêmes de plus en plus marginalisées, comme les Négro-mauritaniens. Les ethnies négro-africaines sont en effet soumises, ces dernières décennies, à une domination de type nouveau pour elles : une forme contemporaine d'esclavage qu'induit sa marginalisation de tous les secteurs vitaux de l'État. Ceci malgré le fait que ces ethnies partagent avec les Haratines une même origine raciale et culturelle, et que ces derniers ont en commun avec leur maîtres la langue, les us et coutumes. Mais c'est précisément pour ces raisons que les Haratines ne peuvent qu'être un trait d'union entre Maures et Noirs, dans une Mauritanie démocratique et reconciliée avec elle-même.
Grâce à El Hor, les Mauritaniens viennent seulement de prendre conscience d'un phénomène qui, chez eux, avait jamais toujours été occulté par une idéologie qui se réclamait jusqu'alors de la notion de fatalité pour asseoir une domination durable. Les Haratines deviennent de plus en plus conscients de la place que la société mauritanienne actuelle leur refuse. Ils ont commencé à s'organiser pour leur libération et leur émancipation. Hier, c'est El Hor qui était le fer de lance, peut-être pour la première fois en Afrique sahélienne, contre l'esclavage domestique. Aujourd'hui, ce sont des ONG comme SOS-esclaves et AHME, et un parti politique, Action pour le Changement (dissolu) ou Convention pour le Changement (non reconnu) qui entendent transformer les rapports de production esclavagistes en rapports de travail plus égalitaires dans une société démocratique.
Mais les détenteurs d'esclaves contrôlent les leviers de commande du pouvoir politique actuel, encore très timoré, et qui s'oppose farouchement à toute possibilité de conquête du pouvoir par les fils d'esclaves. Les maîtres s'opposent également à l'alliance entre Négro-mauritaniens et Haratines au sein de ces partis. L'élite maure blanche, qui contrôle la réalité du pouvoir en Mauritanie, perçoit dans l'émergence des partis ou la multiplication des ONG anti-esclavagistes une tentative de destruction de son hégémonie. Elle redoute l'alliance entre les Haratines et les Négro-mauritaniens. Elle est même prête à partager certaines parcelles de pouvoir avec l'élite haratine.Elle l'a prouvé à certains d'entre eux qui occupent des postes importants. Les seuls leaders haratines auxquels cette élite hégémonique ne fera pas de quartier sont ceux qui militent radicalement contre le système vermoulu, ou contre le nouveau système de production qui permet à cette hégémonie de perdurer.
La naissance de tels mouvements sociaux et politiques anti-esclavagistes ne pouvait se justifier que par la duplicité de l'État colonial et post-colonial en faveur d'un groupe de statut ethnico-racial et culturel maure blanc, fortement impliqué également dans la marginalisation de l'autre composante noire du pays, en voie d'esclavagisation : les communautés Pulaar, Bambara, Wolof et Soninké. Dans les États traditionnels de ces communautés, comme dans la communauté maure, l'esclavage domestique n'a jamais été clairement combattu. Même si, comme au Fuuta Tooro, une révolution a supprimé l'esclavage de traite, des rapports esclavagistes continuent à perdurer dans la société nationale actuelle.
En dehors des luttes contre l'esclavage de traite par les Zawaya et les ToroBé, quelques révoltes sporadiques ont été signalées ici et là. Quelques serviteurs ont pu prendre le pouvoir, comme les Tonjon du Tékruur. Mais seul El Hor a clairement affirmé sa volonté d'en finir avec l'esclavage domestique en Mauritanie. Car l'action d'El Hor concerne toute la société mauritanienne, même si le mouvement est parti de la société maure.
Ceci s'expliquerait par des déterminations écologiques fortes, et des systèmes de production qui font reposer la réalité de la production marchande et ménagère sur les épaules de l'esclave. Ce qui pourrait expliquer la violence avec laquelle toute velléité de révolte et de libération y est sévèrement punie, comme aujourd'hui, la vigeur avec laquelle l'État moderne dominé par les maîtres Maures blancs refuse aux esclaves non soumis d'arriver à leurs fins de libération. Les diverses abolitions, par leur caractère factice et hypocrite, n'ont fait que radicaliser les prises de conscience sur l'absence de volonté de l'État mauritanien de donner les mêmes chances à l'ensemble de ses citoyens. Il joue la carte de la division en nommant à des postes importants certains Haratines qui, pour garder ces privilèges, se marient des à Mauresques blanches.
Le racisme d'État et la peur de perdre le contrôle sur les Haratines sont tels que le pouvoir dissout tout parti, et refuse la légalisation de toute association qui aura l'outrecuidance de trop afficher son engagemnt anti-esclavagiste, et qui se rapprocherait des Négro-mauritaniens. A l'heure actuelle, la société civile émergente s'attaque au phénomène de l'esclavage pour le dénoncer, à défaut de le combattre. Des organisations et mouvements politiques de l'opposition mauritanienne inscrivent désormais dans leur programme d'action la lutte contre l'esclavage, devenue incontournable. La voie, choisie par leurs dirigeants, d'une lutte démocratique pour l'avènement d'un État de droit qui réglera durablement ce phénomène condamné par l'histoire, montre leur maturité.


Saïdou Kane.
Historien. Professeur à l'Institut Linguarama, La Haye, Pays-Bas


BIBLIOGRAPHIE

* Quelques bonnes monographies existent sur l'esclavage en Mauritanie qui ne sont, cependant, pas toujours accessibles, mais nous en signalerons ici quelques-unes:
* Messaoud ould Boulkheir, El Hor (Organisation de Libération et d'émancipation des Haratines), Esclavage : Racisme, Discrimination Raciale, Exclusion, Xénophobie et Intolérance dans le monde, en Afrique et en Mauritanie, Durban (A.du Sud) - août/ septembre 2001.
* Louis Hunkarin, l'Esclavage en Mauritanie, Paris, Imprimerie Moderne, 1931.
* Gourmo Lô, La Question de l'Esclavage en Mauritanie, Université du Havre, 1999, 33 p.
* Dey Ould Brahim, Mémoire sur l'Esclavage tel qu'il se présente en Mauritanie, Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer, 1959, p. 59.
* Deherme, l'Esclavage en Afrique Occidentale Française, étude historique critique et positive, juin-septembre, cité par Abdourrahmane N'Gaïdé, dans sa remarquable contribution sur les luttes de libération triomphantes des esclaves en milieu peul du Fuladou, au XIXe, in Figures Peules, éditions Kathala, 1999.
* Toute la série K des Archives Nationales du Sénégal (ANS).
* Archives nationales du Sénégal 13G 195, pièce 131 : " Circulaire confidentielle du 14 novembre 1857" sur l'application du décret d'abolition de l'esclavage dans les colonies françaises, C.A.R.A.N (Centre d'Accueil et de Recherches des Archives nationales), cote 200MI 933.
* Archives nationales du Sénégal, série 2G 46, pièce 111-Mauritanie : "Conférence des commandants de cercle sous la présidence du Gouverneur Général de l'AOF et du gouverneur de la Mauritanie du 30 mars au 4 avril 1946", tome IV, Mauritanie.
* Dey Ould Brahim, Sur l'Esclavage en Mauritanie, Mémoire de l'Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer sous la direction de Jean Poirier, 1959.
* Henri Panhuys, Esclavage problématique, Pâturages socio-économiques et Mirages démocratiques en Mauritanie - conflits de sites et enjeux de sens, GREL, Université du Littoral, Dunkerque, 1999.
* El Kehel Ould Mohamed El Abd, Colonisation française et Mutations sociales en Mauritanie, Cas de l'esclavage en milieu maure, 1900-1960, mémoire de maîtrise, département d'histoire, université de Nouakchott, Mauritanie, 1983.
* Mohamed Lemine Ould Ahmed, L'Abolition de l'Esclavage en Mauritanie, Mémoire de maîtrise en relations internationales, Université de Dakar, 1983.
* Samuel Cotton, Terreur Silencieuse, Un Voyage dans l'Esclavage Contemporain en Afrique, Harlem River Press, 1998.
* Toutes les productions de l'ONG mauritanienne SOS-ESCLAVES (dirigée par Boubacar Ould Messaoud) : rapports annuels sur la situation de l'esclavage, depuis 1996.
* Toute la littérature de EL HOR, le mouvement d'émancipation des esclaves.
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