Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde…
Banlieues, propos au vitriol d'Alain Finkielkraut, une chroniqueuse de Grioo.com nous livre son sentiment personnel sur les dernières semaines
Par Sophia
http://www.grioo.com/info5919.html
Alain Finkielkraut ne fait pas l'unanimité, c'est le moins qu'on puisse dire...
Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde… Bertold Brecht
Le calme est revenu dans les banlieues. Pas dans les esprits encore moins dans les cœurs. En trois semaines, nous avons tout vu, tout lu, tout entendu. Le bilan de ces émeutes est consternant, révoltant, inquiétant. Nous qui savions combien il est dur d’être admis au rang de citoyen français, pourvus des mêmes droits, remplissant les mêmes devoirs. Nous, qui avons tous été, une fois au moins confrontés à la petite phrase assassine qui nous remet à notre place, qui nous rappelle qu’être français c’est avant tout être blanc, qui nous condamne définitivement à l’exclusion. Le bilan de cette rébellion surtout révélateur d’un fort courant raciste qui sévit en France, traversant de part en part, toutes les couches de la population. Nous avons cependant franchi une étape majeure : la reconnaissance officielle de ce racisme.
Qui se nourrit d’espoir meurt d’inanition
Avec la convocation des responsables des chaînes de télévisions, on a reçu la plus grande claque qui soit par ce que l’on appelle nos élus(1) . Quelle humiliation ! Comment peut-on rester paisiblement vautré sur son clic-clac lorsqu’il est question de nous, petit groupe gênant, dont nul ne sait que faire ? Lorsque l’on nous prouve par A+ B, que tout sera mis en œuvre – bien sûr ! - afin que les sous–hommes que nous semblons être bénéficient d’une législation propre destinée à nous protéger. Les lois de la République protègent les plus faibles : les enfants, les handicapés, les femmes, les vieillards. Les non-blancs auront aussi des lois exorbitantes du droit commun qui les confineront à jamais à la place des faibles. Nous deviendrions donc une espèce protégée, non parce qu’elle risque de disparaître, mais parce qu’elle n’a pas le droit d’exister.
Tout casser, tout brûler, tout péter
J’ai beau penser que la violence est à bannir et avec elle toutes ses formes d’expression, je reconnais que pour se faire entendre du fin fond de Clichy ou de Bondy, il fallait bien ça : de la casse. Toute diplômée que je sois, aussi correcte et aussi pacifiste que je sois, j’ai bien été tentée, moi aussi, d’aller les aider, par solidarité d’abord et par colère ensuite. Ceci étant, il me manque l’essentiel : un profond sentiment de désespoir. Là où une large presse commentait des émeutes, j’y ai vu l’acte suicidaire du désespéré.
Dans cette pulsion de mort qui habite le suicidé, l’intérêt de l’acte est de porter atteinte à sa propre intégrité physique afin de porter le plus haut qui soit sa volonté d’agir. Pour ceux d’entre vous qui ont lu Hegel, il exprime très clairement qu’il est vital dans une lutte de reconnaissance, de montrer que l’on est capable d’aller le plus loin possible. Le plus loin reste l’acte kamikaze. La mort. Violente s’il en faut. La banlieue est à deux doigts de l’acte kamikaze. Puisque vivre en France sans être blanc, ce n’est pas vivre, autant mettre fin à cette mascarade. Ces écoles, ces gymnases, ces bibliothèques - oui, des bibliothèques, là, j’ai eu très mal au coeur – qui ont fini calcinés emportant avec eux un savoir à jamais inexploité ne sont que la cristallisation de la frustration née de l’acte manqué ; la frustration de ceux qui, plus nombreux qu’on veut nous le faire croire, y ont cru à cette réussite par le savoir, avant de se retrouver tricards devant les portes du marché de l’emploi. De façon universelle, une bibliothèque ou une école, incarnent le Savoir. Savoir c’est pouvoir affirmait Bourdieu. C’est avec ce savoir que l’on s’arme pour affronter une société française particulièrement snob et méprisante à l’égard de quiconque ne maîtrise pas les mots.
La vraie violence n’est pas là où l’on croit
À cet égard l’acte le plus violent auquel nous avons pu assister au cours de ces semaines d’émeutes est concentré dans cette phrase terrible de Nicolas Sarkozy lors de l’émission A vous de juger sur France 2 – chaîne du service public ! - et adressé à un jeune qui tentait, maladroitement certes, de faire valoir une opinion. Le sang se pétrifie dans nos veines devant tant d’iniquité. Alors que la ghettoïsation des immigrés est organisée politiquement depuis 40 ans, alors que tout est fait en France afin que ces minorités n’aient pas de référents dans d’autres domaines que le sport ou la musique, alors que l’accès aux grandes écoles est verrouillé, nous pouvons entendre un Ministre très au fait de cette politique de discrimination par le haut, affirmer sur ce ton paternel qu’il cultive : Monsieur, ici, vous êtes entre gens civilisés. Si c’est ainsi que vous parlez quand vous êtes à la télé, cela laisse augurer la façon dont vous devez vous exprimer dans votre cité !
Connard, va !
Les bons mots de Finkielcrotte
Enfin, si vous n’avez pas entendu parler des dernières saillies de ce philosophe définitivement raté (NDLR les distraits peuvent se rattraper en lisant cet article), c’est une chance. Vaut mieux être sourd et aveugle que d’assister au spectacle du pseudo-philosophe dans l’expression de son art. Toujours est-il que je suis en droit de m’interroger : comment d’un événement purement psycho-social que furent ces fameuses émeutes en arrive t-on à la question juive ? Il faut pour cela le tempérament hypocondriaque et paranoïaque d’un Finkielcrotte au meilleur de sa forme. Je ne lui connais que deux talents :
celui du raccourci immonde : émeutes en banlieues = manipulation islamo-politique = guerre ethnico-religieuse = haine de la France = haine du Juif
celui d’exceller dans l’art de ramener la couverture à lui et à sa cause : s’il y en a qui doivent haïr la France, s’il vous plaît, faites la queue, en tant que Juif, j’ai la primeur dans l’expression de cette haine puisque entre l’esclavage - et ses avatars- et le nazisme, le projet colonial a au moins eu le mérite d’éduquer et d’amener la culture chez les sauvages (sic ! ).
Que Finki se rassure, moi j’aime tout le monde, les noirs, les arabes, les juifs, les cathos, les athées, les agnostiques, les bouddhistes…j’ai juste un problème avec les cons, noirs cons, les arabes cons, les juifs cons, les cathos cons, les athées cons, les bouddhistes cons, les philosophes cons. Einstein disait ceci : « deux choses sont infinies en ce monde, la connerie et l’univers, mais pour ce qui est de l’univers, je n’ai pas de certitude … »
(1) Ah, non, c’est mardi 29 novembre qu’on a reçu la plus grande claque avec le maintien de l’article 4 de la loi du 22 février 2005 : le Gouvernement persiste et signe. Elle n’est pas belle la France ?