Des associations d'outre-mer manifestent contre la " falsification de
l'histoire "
Déployée au bas d'un chapiteau encadré de deux drapeaux tricolores, la
banderole du collectif des Antillais-Guyanais-Réunionnais était explicite : "
Napoléon = négrier = criminel. Non à sa glorification. Non à la falsification de
l'histoire. "
Cent cinquante à deux cents personnes ont bravé les intempéries, samedi 3
décembre à Paris, devant les Invalides, pour " célébrer " à leur manière le
bicentenaire de la bataille d'Austerlitz, commémoré officiellement la veille.
" Napoléon, c'est le code civil, le code pénal, les préfets... Mais c'est
aussi celui qui a rétabli l'esclavage, reconnu crime contre l'humanité ", a
expliqué le président du collectif, Patrick Karam. Auteur d'un violent
réquisitoire contre l'empereur, Le Crime de Napoléon (éd. Privé), Claude Ribbe a
demandé la création d'un " centre national de mémoire et d'histoire de
l'esclavage ". La comédienne Souria Adèle a réclamé l'ouverture d'une " classe
de créole ", pour que cette langue puisse être présentée au bac.
Dans la foule, un homme s'indignait qu'on puisse " souligner le rôle
positif de l'esclavage ". Ce raccourci vise à la fois l'article 4 de la loi du
23 février 2005, qui dispose que les programmes scolaires doivent reconnaître le
" rôle positif " de la colonisation, et les célébrations officielles de
Napoléon.
La multiplication récente des polémiques et initiatives qui concernent à
la fois l'enseignement de l'histoire de France et la lutte contre les
discriminations devient source de confusion. Les responsables du collectif DOM
se sont ainsi clairement démarqués du Conseil représentatif des associations
noires (CRAN), créé une semaine plus tôt pour favoriser " l'émergence d'une
conscience noire " (Le Monde du 26 novembre).
" Le CRAN développe une thématique de guerre raciale ", dénonce M. Karam,
en soulignant que " l'outre-mer est un melting-pot et non une couleur de peau ".
" Il ne faut pas tomber dans le communautarisme et le racisme. Le CRAN est de
nature à faire progresser l'extrême droite ", renchérit M. Ribbe.
Cette position commune n'exclut pas certains flottements au sein du
collectif, dont les responsables sont partagés entre volonté d'intégration et
demande de reconnaissance spécifique. " Nous ne sommes pas là pour parler d'une
mémoire noire. Il n'y a qu'une histoire de France ", a affirmé Patrick Karam,
tout en évoquant une " histoire spécifique que l'on occulte ".
Dans la foule, on déplorait les critiques adressées au CRAN. " Il faut
arrêter de se diviser ! Ce qui nous rassemble, c'est une souffrance ",
s'emportait Marie-Pascale Mirre, originaire de Guadeloupe.
Jean-Baptiste de Montvalon et Laetitia Van Eeckhout
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